PIerre Bonetto

Visites : 32246

Artiste : PIerre Bonetto

Biographie de l'artiste :

Pierre BONETTO
L’œuvre du Temps.

Pierre Bonetto nait le 6 avril 1954 à Lyon. Aîné de trois frères, sa mère est ouvrière modiste, son père carrossier. Il montre très tôt des prédispositions pour le dessin et un vif intérêt pour l’Art. Mais le contexte familial ne le porte guère. A 15 ans, en feuilletant un magazine, il tombe sur le tableau “Deux femmes courant sur la plage“ de Pablo Picasso. C’est un choc visuel et une révélation : il sera artiste. Entrer aux Beaux Arts de Lyon devient son obsession. Son père, autoritaire et frustre, n’y consent pas. Cependant, en le contraignant à répondre à une petite annonce dans le Progrès pour un poste d’apprenti dessinateur dans un atelier de création textile, il va façonner la carrière d’artiste peu conventionnelle de son fils.

Nous sommes au début des années 70. Héritage de l’industrie de la soie, plus d’une centaine d’ateliers de création sont regroupés dans un mouchoir de poche au bas des pentes de la Croix Rousse, la colline ouvrière qui surplombe Lyon. Ils crachent du dessin en continu pour la filière textile française, qui domine alors encore l’Europe et le monde. Motifs de robes, chemisiers, cravates, pochettes, foulards, tissus de décoration… les dessins textiles de Lyon se vendent jusqu’au Japon. Pierre fait carrière dans plusieurs ateliers successifs, comme apprenti pendant 3 ans, puis comme dessinateur confirmé. Entassés dans de minuscules ateliers de 10 à 15 personnes, les dessinateurs sont payés au dessin vendu ; une mécanique productive infernale qui implique quantité et qualité, création “influencée“ et création originale, et exige une inspiration sans cesse renouvelée que les forçats du pinceau puisent dans des bibliothèques éclectiques. Il faut savoir tout faire pour survivre dans cette jungle d’images : des fleurs bien sûr, des fleurs encore et toujours, mais aussi des motifs graphiques, géométriques, folkloriques, des animaux, des paysages... Pierre apprend au lycée public Diderot à dessiner et peindre “à la fleur“. Son maître d’apprentissage “fleuriste“, Monsieur Baudet, s’inscrit dans la longue tradition de l’école lyonnaise de la fleur qui a sa salle au Musée St Pierre des Beaux Arts de Lyon. Le maître ne parle guère. Il est avare de conseils. Mais il permet à Pierre de finir ses dessins ou de les recopier. Avec la pulpe des doigts, il lui apprend à coucher sur le papier de sublimes fleurs de pommier. Pierre est subjugué. Alors il cravache, tombe jusqu’à 10 dessins par jour, s’immerge dans les bibliothèques à la recherche permanente de nouvelles références ; il pille comme il invente, explore et explose.

Les années passent, Pierre est désormais à son compte. Il rencontre Sophie, elle-même peintre, et porteuse d’un univers visuel intime très riche. Avec elle, Pierre intègre une famille passionnée d’art et de culture. Cette rencontre, ce nouvel environnement, le boostent. D'anciens et de nouveaux maîtres comme Tapies, Rauschenberg, Basquiat, le fascinent et l’inspirent. Sophie l’encourage, le rassure. Alors, craintivement, et souvent dans le doute, Pierre peint enfin pour lui-même.

Instinctivement, il commence par la Fleur. Parce qu’elle l’a formé. Mais il ne veut pas s’y conformer. Trop longtemps contraint par un art de commande, il veut s’émanciper, et laisser s’exprimer son univers. La mise en scène de ses toiles réinterprète l’objet fleur, le déconstruit, le stylise, le juxtapose et le décale. Ses fleurs, Pierre les fond dans un noir absolu qui nous emporte dans la Renaissance italienne, ou au contraire les fait exploser en les laissant flotter sur des fonds clairs qui nous surprennent.
Est-ce le stress productiviste de son passé de dessinateur textile ? Pierre est obsédé par le Temps, et par son œuvre de destruction, de décomposition, d’érosion, et d’usure. Ainsi il se focalise sur la pivoine, fragile, éphémère, brièvement sublime. Il écaille, gratte, tâche, dégrade ses toiles et leurs enduits parfois rustres, comme le ciment qu’il affectionne particulièrement. Ses couleurs de prédilection sont celles du temps qui passe. Les noirs profonds, les gris minéraux, les bruns fumés, les sables et beiges piqués, côtoient les couleurs vives des pivoines, des roses, des œillets qui n’en sont que plus flamboyantes. Souvent, comme si le prisme du peintre les avait décomposées, les couleurs du tableau se retrouvent synthétisées dans une palette bayadère, qui incarne l’abstrait absolu de la toile, une sorte d’ADN chromatique d’un environnement figuratif.
Pour tenter de suspendre le Temps, Pierre affectionne le polaroïd. Il aime son imperfection, sa fulgurance dérisoire, ses flous, la maladresse de ses cadrages. Il en transpose l’esprit et la structure graphique dans ses toiles.
Au fil des œuvres, des fleurs, des plantes, au fil du Temps, Pierre Bonetto construit son fantastique herbier. Son art collecte, rassemble, classe, entrepose, comme s’il fallait tout conserver, tout faire durer, en gérant une lente mais inéluctable dégradation.

Pour s’en affranchir, Pierre réalise quelques incursions dans d’étranges contrées, preuves de sa curiosité, de son besoin de fraîcheur, et du courage de se mettre en danger.
Un jour, un ami lui commande une toile pour s’inscrire dans une exposition dédiée au chocolat. Facétieux, Pierre replonge dans la cour de ferme d’enfance de son père et livre à son ami une splendide vache charolaise au regard doux et malicieux, clin d’œil au Milka de son enfance. Succès immédiat. S’en suit un improbable troupeau de près de 100 portraits de vaches, tantôt drôles, hautaines, moqueuses, indignées, indifférentes, ou hébétées…Leur humanité bestiale nous interpelle : parfois, on se sent si « bêtes » devant ces toiles… Ces sacrées vaches nous renvoient à notre ruralité perdue, à un passé rude, mais simple et bon, après lequel tant d’entre nous courent. L’œuvre du Temps, toujours.

L’œuvre du Temps encore, lorsque Pierre déniche ces vieux portraits sépia fin XIXème siècle, qu’il détourne, pastiche, dégrade, souvent avec humour. Il coupe la chique au bourgeois gonflé d’importance, déride l’austère arrière grand-mère, et érotise la jeune femme trop sage.
Les vieux papiers bible jaunis, pliés, cornés, tâchés d’encre, les livres oubliés couleur de vieil ivoire, les lambeaux de tissus, les draps et torchons de lin proprement pliés puis délaissés au fond des armoires, et qui gardent la trace brune de leurs plis, tel un suaire venu du fond des âges… ces objets qui gravitent dans l’univers de Pierre deviennent tour à tour supports, matière, inspiration. Pierre les imprime, les grave, les torture, les détourne. Il chine sans relâche, entasse, thésaurise. Son atelier est un capharnaüm démentiel. Il trouve d’abord. Il cherche ensuite.

Ainsi naissent d’étranges sculptures, structures dérangeantes, faites de vieux morceaux de marbres, de pièces de métal atrocement rouillées, de cornes arrachées, de fils et de ferraille embrouillés. En émergent des têtes étonnées d’angelots, de Christ. Certaines sculptures s’imposent comme de délirants crucifix : entre la modernité de l’œuvre, et les références rurales, surannées, d’une foi en désuétude, c’est le choc visuel et émotionnel.

Profondément imprégné par son histoire, sa famille, sa formation, son métier, Pierre nous livre une esthétique contemporaine plurielle, très éclectique, mais qui puise sa force et son sens dans un passé collectif, et nous ramène sans relâche à notre histoire, nos racines, comme pour mieux interpeller notre condition de mortels modernes.

Pierre Bonetto laisse le Temps faire son œuvre.

Pourvu que ça dure…



Mail : Lui écrire

Portable : 06 79 56 94 69

Ville : Lyon

Nombres d'œuvres :

  • Peintures : 25
  • Photos : 0
  • Sculptures: 3
  • Dessins : 0
  • Autres : 0
  • Nombre Total d'œuvres : 28