marie claire bromont

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MON APPROCHE DU PORTRAIT

.....JAMAIS JE N ARRIVERRAIS A METTRE DANS UN PORTRAIT TOUTE LA FORCE QU IL Y A DANS UNE TETE....
(Un portrait par Giacometti - de James Lords)

quelques autres extraits :

« Je ne sais ce que je vois qu'en travaillant »
« J'ai toujours eu l'impression ou le sentiment de la fragilité des êtres vivants, comme s'il fallait une énergie formidable pour qu'ils puissent tenir debout. »
« Jamais je n'arriverais à mettre dans un portrait toute la force qu'il y a dans une tête. Le seul fait de vivre, ça exige déjà une telle volonté et une telle énergie. »
« J'ai travaillé avec modèle toute la journée de 1935 à 1940… Deux fois par an je commençais deux têtes, toujours les mêmes sans aboutir. »...

...Alberto Giacometti explique , en prenant une pose tragique, sa dernière obsession. Il a essayé de sculpter une tête et n'a pu y parvenir. Tandis qu'il la modelait en cherchant à suivre fidèlement tous les détails, le nez, les yeux les rides les muscles, sa vision du visage changeait sans cesse ; sous ses doigts il sentait que la tête s'amenuisait de plus en plus. "Il ne me restait en main que des parcelles de glaise: La tête avait disparu"...

" C'est abominable, J'abandonne définitivement la peinture"...
Chaque fois, c'est une lutte d'influence qui s'engage entre les griffures du crayon, les lacis du pinceau et les coups de gomme. Sur le visage de la poseuse , cerne après cerne, lasso après lasso soudainement apparaissent les orbites qui se creusent et les os qui saillent. Ce jusqu'auboutisme de la figuration s'est acharné face à la force de l'abstraction dominante à faire poser ses modèles . Il était devenu l'ombre de ses sculptures long, filiforme,le visage bosselé. Terrifiant...

...«Lorsque je regarde le verre, de sa couleur, de sa forme, de sa lumière, il ne me parvient à chaque regard qu’une toute petite chose très difficile à déterminer, qui peut se traduire par un tout petit trait, par une petite tache, chaque fois que je regarde le verre, il a l’air de se refaire, c’est-à-dire que sa réalité devient douteuse, parce que sa projection dans mon cerveau est douteuse, ou partielle. On le voit comme s’il disparaissait… ressurgissait… c’est-à-dire qu’il se trouve bel et bien toujours entre l’être et le non-être. Et c’est cela qu’on veut copier (…)»

...«Il ne peut pas y avoir de fin possible, parce qu’au fur et à mesure que tu t’approches de ce que tu vois, tu en vois davantage, donc ma tête recule, à mesure que je m’approche, elle recule. Donc la distance, entre ce que je veux faire et ce que je fais, reste au fond au moins permanente.
Si là, au lieu d’abandonner, on insiste et là - on peut dire qu’il faut avoir une certaine dose de bêtise pour insister, ou le contraire, c’est équivalent - si on insiste, c’est le seul moment où il y a quelque chose d’avancé, un petit peu...ce n’est pas seulement que l’on a l’impression d’avancer un tout petit peu…mais soudainement…on a quelquefois l’impression, - même si ça n’est qu’une illusion, d’une immense ouverture.» ...
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Tout ce que Giacommetti décrit dans ces quelques propos, je peux dire que je le ressens aussi à chaque nouvelle aventure picturale, mais la différence pour moi est que je ne pourrais jamais faire poser le modèle pour son portrait...
Je trouve dans la photo une magie déjà incroyable, il s'agit forcement d'un instantané, peindre d'après une photo, c'est aussi le même dilemme par rapport à l'insaisissable, et puis, on se rapproche de celui qui a pris la photo.....

Peindre d'après photos, c'est une façon de "communier" avec les personnes, dans des instants de bonheur figés. Je cherche à me figer avec eux. Rester là pour l'éternité. Se retrouver figé dans une image, une peinture... Un genre de bouclier infaillible...