Corps à corps (Egunsentia)

Ces grands lits que nous avons défaits
Ces corps gris que nous avons froissés
Ces désirs que nous avons quittés, sans dire un mot
Les quatre coins de la chambre
Soupirs exaspérés d’un maladieux tango
Dancé à la lumière rêche d’un 22 Novembre
Malgré nous deux, le soir, Celia s’en est allée

Cinq ans de petits jours plus tard, Arantxa est apparue
Entre les duvets blancs des aubépins digames
Sur mes boues elle a soufflé sa flamme
Dans la paix d’un délicieux jardin
Sur les pieds mon corps s’en est allé
Et le souffle chaud de ses caresses
A balayé le sable, mon corps et ses défauts,
De mon âme elle me faisais le cadeau
J’en ai pleuré
Et mes larmes, mêlées à l’amour des bêtes, de l’ambre et des bois
Faisaient sur le sol de cette magnifique chambre
Comme de petits soleils coagulés

Louise ou Ishtar ?

Pas un de tes amants
Pas un de tes favoris
Qui aurait échappé à tes pièges 
Viens ici, que je te récite
Le triste sort de tes amoureux
Le vilain cortège, aucun privilège
Même ton berger, le chéri de ton jeune âge
Saccagés sans rancœur
Les blés de son cœur, un terrible pillage
Femmes du ciel, bouche de miel
Corps de lyre, vallées profondes et glabres
Et vos rivières écorchent les hommes à l’or de leurs sillages
Les Don Juan, les troubadours, les avaleurs de sabre
Tous se réveillent un jour
Les yeux cousus d’avoir cru à ces amours cinéphages

A l'heure du jusant

De la rue du côté des cales , par l’escalier Saint Malo
Que l’on grimpe par deux ou par quatre, c’est tantôt
On pénètre intra-muros, au lamento de la vie de Chantal
Le remugle guano imprégné des tapis de sisal
Mènent vos pas à travers le rideau de dédales
Des appartements monumentaux de la belle provinciale
Jusqu’à la commissure absidale de la salle d’eau
Là, emmaillée de mille coup de ciseaux
Au fond du sabot céramique, dans l’encore tiède clapot d’une savonneuse étale
Stagne la carapace pâle de l’alangui rorqual
L’ inondante poitrine de la flasque bigoudène
Collée aux fond baptismaux de la baie de Cancale
Se liquéfie, navire –jumeau, méduses ogivales
Balayées par la pestilence animale des vents boréaux
Ses chairs livrées tôt ou tard
A l’appétit sans bornes des tourteaux cannibales
Qui grimperont par deux ou par quatre, c’est tantôt
De la rue du côté des bateaux, par l’escalier vaginal
Et pénètreront l’ intra-muros monumental
Du corps de Chantal

Guarimpeira

Sa jupe viride remontée haut par le pli de la couture
Fait un mystère, une frontière sur la ligne âpre de sa cuisse
Un méandre de perles, des envies de baisers
Une charmante échancrure au milieu du courant
Elle plonge ses doigts dans mes lits de scirpes
Et retourne les pierres de mon cœur,
Qu’elle oublie de remettre en place
Pour du sable chrysocale qu’elle extirpe
Rêves fugaces, caresse fluviale
Trésor de vase et vieilles blessures au relent d’écrevisse
La fille aux mains d’orpailleur
Sans le moindre vice
Suce l’après-midi au soleil des Ménéfriers

Aréole Song (feat. CB)

Tes hanches sont amoureuses
Et moi de tes seins,
Par tes poses langoureuses.
Tu ravis mes dessins

Quelquefois, pour apaiser
Tes envies mystérieuses,
Tu prodigues, sérieuse,
La morsure et le baiser

Tu me déchires, ma brune,
Avec tes rires moqueurs
Et puis tu poses sur mon cœur
Tes baisers doux comme la lune

L'oeil des chevreaux

Ce n’est pas vrai qu’un mort
Soit comme un vague empire
Plein d’ordre et de bruit
Qu’il nous envie
Quand nous mangeons
Ce n’est pas vrai qu’un mort
Soit du sang et du lait, la nuit plus haut que nous
Ce n’est pas lui qui rit dans l’arbre et dans le vent
Si l’on pleure au village
Ce n’est pas lui non plus
Qui fait tomber les bois quand on tourne le dos
Ou la suie sur le feu
Ce n’est jamais un mort
Qui nous prend à partie dans les yeux des chevreaux
Il ne faut pas mentir
Rien n’est si mort qu’un mort
Mais c’est vrai que des morts
Font sur terre un silence
Plus fort que le sommeil

L'Heure du thé

Octobre recouvre désormais le Happo En
Les feuilles de l’érable s’enflamment déchirées par le sang des étangs
Lasses du feu qui les couvent
Par la fenêtre, au vent tu les regardes succomber
Et dans les allées courir comme des rats
Finalement lassée par ce ballet du soir, tu reprends le chemin du chado
Mais la théière est tombée
Pleurant par son bec
Sur tes oreillers brillants
Des larmes midori