Ode à la Terre

Les rugissantes autos passent à toute allure

Entre les grands poteaux. Nature métallique

Le triste paysage ! Borne téléphonique

Brume boue et rambarde aux mille éclaboussures



Hier l’homme a chanté en construisant les murs

Aujourd’hui le temps est devenu rouge brique

Vois, la lune est de plâtre et l’air bleu électrique

C’est ce que les grands arbres coupés nous susurrent



Le goudron a coulé comme coulent les lames

De pluie dans le sol, la ville est sale et morte

Le bitume engloutit les fourmis et cloportes

La lumière le vent et le cœur d’une femme



Ville d’espoirs noyés horizon macadam

La nuit pleure et gémit quand je frappe à ta porte

Ton visage apparaît je ris et tu m’emportes

Délicieuse accalmie des plaintes de mon âme



J’aspire à d’autres cieux et j’expire en questions

A la vue des fumées des laideurs des gravats

Ta main frôle la mienne dans le matin froid

Mon remède c’est ta calme respiration



Tes yeux verts au printemps c’est ma douce évasion

Ton corps est mon exil mon ailleurs est ta voix

Mon amour aujourd’hui est pour ton nom, Gaïa

Et pour chaque jour gris doré par notre union

traitre langage

Vient la clarté du jour, je clos mes yeux de nuit

Et contre toute attente je crois que je vis

derrière ma paupière un songe est advenu

blême parmi le lierre et l'angélique vue


dans ces jardins où l'Homme ne sait qu'il agit

pourtant la rencontre de son regard qui luit

à la plus belle heure du soleil saugrenu

nomme chaque élément, le condense et le tue


S'exaltent les parfums et les sons qui colorent

les délicieux éclats d'un monde qui s'endort

sous les mots réducteurs de ce bel absolu


Je rêve cette nuit que le langage est mort

qu'il devient désuet de s'en servir encore

pour la beauté d'êtres que l'on ne nomme plus

Si long silence

Ce si long silence

de la couleur de l'eau

vêtu d'insouciance

et du chant des oiseaux


Caresse mon ventre

vibre de mon inspir

Entre au-delà de l'antre

se nourrit de sourires


Ce si long silence

veut dire tellement

plus que l'indolence

sommeillant doucement


Il exprime ces choses

que jamais l'on ne sait

ou plutôt que l'on n'ose

dire à celui qui plaît

la pluie et le beau temps

Dans le silence obscur de la nuit inféconde
Je sens par les oreilles et je vois par le nez
Que notre eau, pâle essence infectée par le monde
Prolongera la vie des êtres oubliés

Si point de pluie n’est pleur sur la face de Terre
Qu’en sera-t-il de fleur, et d’épi pour le pain
Plus rien ne chauffera dans l’âtre des chaumières
Les ventres pleureront et la soif et la faim

Mais quand soudain Tempête et Tonnerre de Dieu
Inondent les grands champs, quoi de plus merveilleux ?
Les prairies sont comblées, les fleuves sont nourris

Pauvres humains vomis par l’Univers entier
Nous implorons « Soleil ! » qui nous aurait brûlés
Et maudissant le vent nous crachons sur la pluie

Insatisfaits du jour de la nuit et du temps
Nous dirons aujourd’hui que c’était mieux… avant.